La monnaie et la cryptographie : des destins liés
La dernière vague d’adoption des crypto-actifs, entamée en 2020, a été le théâtre d’une nouveauté fracassante : celle de l’entrée en force sur le marché de puissants acteurs institutionnels.
Sur les neuf derniers mois seulement, 40 des 100 plus grandes entreprises mondiales par capitalisation de marché ont investi dans le secteur blockchain, pour un total estimé de 6 milliards de dollars.
Citons notamment Alphabet, la maison mère de Google, les géants financiers SoftBank, BlackRock, Morgan Stanley et Goldman Sachs ou encore Microsoft et Samsung… sans oublier d’autres, comme MicroStrategy ou Tesla, ayant fait le choix plus direct d’intégrer des crypto-actifs à leur trésorerie.
La tendance est encore plus palpable sur le secteur financier, alors que la plateforme d’échange américaine Coinbase a marqué une entrée en bourse remarquée début 2021, tandis que BlackRock, premier gestionnaire d’actifs au monde, a créé un ETF “blockchain”, et que les mastodontes du paiement Visa, MasterCard et PayPal proposent désormais des solutions permettant de régler directement en crypto-actifs.
Plus surprenant : en mai 2022, 61 des 100 plus grandes banques commerciales de la planète avaient injecté des fonds dans au moins une société du secteur. Un chiffre qui tranche avec les discours pourtant ouvertement hostiles de certaines d’entre elles, et rappelle qu’en matière d’investissement, l’essentiel se situe dans les actes et non les discours.
Quant aux fonds d’investissement, selon une étude menée par la société de gestion hollandaise Intertrust Group en 2021, 98% seraient décidés à investir dans les crypto-actifs à horizon 5 ans.
Enfin, l’adoption du Bitcoin en tant que monnaie légale par le Salvador et la République Centrafricaine a elle aussi rebattu les cartes, en faisant de la crypto-monnaie la plus connue de la planète une devise nationale au sens légal du terme.
Un constat finalement peu étonnant à l’aune de certaines études et notamment celle réalisée par Bitstamp en 2022, faisant état d’un score de confiance de près de 70% de la part des institutionnels dans les crypto-actifs. Un taux encore légèrement inférieur à celui des actions ou de l’immobilier, mais supérieur à celui accordé par les particuliers, et devançant déjà d’autres produits financiers comme les options ou les futures.
Côté particuliers : une tendance de fonds marquée
Chez les particuliers, déjà près de 300 millions à utiliser les crypto-actifs fin 2021, la demande, là aussi, ne cesse de croître.
D’après un rapport du Boston Consulting Group se basant sur le rythme d’adoption d’internet, pour l’instant respecté et même dépassé, ce nombre pourrait plus que tripler et atteindre un milliard d’ici 2030.
En principaux facteurs explicatifs : la perte de confiance d’une partie de la population dans leur monnaie, la plus grande inclusion financière permise par la technologie blockchain mais aussi la promesse d’une décentralisation cruciale dans certaines parties du globe.
Ainsi, sur les vingt pays dans lesquels l’adoption des crypto-actifs est jugée la plus forte, dix-huit sont des pays à faibles revenus ou revenus moyennement élevés, le podium étant dominé par le Vietnam, les Philippines puis l’Ukraine.
À l’inverse, et à l’exception des États-Unis et du Royaume-Uni, souvent précurseurs dans le domaine des nouvelles technologies et de la culture financière, la plupart des États avec des institutions bancaires et des monnaies fortes squattent le fonds du classement. Signe d’une population qui n’a pas encore ressenti le besoin d’intégrer les crypto-actifs dans son quotidien, les cantonnant jusqu’ici à un levier d’investissement et de diversification.
En outre, et de manière tout à fait logique, on observe une très forte corrélation entre le degré de connaissance des individus à propos des crypto-actifs, et leur confiance dans ces derniers. À ce petit jeu là, la France fait office de grande perdante, affichant de loin le pire taux d’expertise sur le sujet parmi les pays étudiés… et donc un faible taux d’adoption.
Enfin, il est intéressant de noter que dans la même étude réalisée par Bitstamp en début d’année 2022, près de 60% des répondants estiment que les crypto-actifs deviendront mainstream d’ici 10 ans, une majorité pariant que cette adoption généralisée interviendra plutôt dans 3 à 5 ans.
La technologie blockchain et les crypto-actifs semblent donc avoir acquis leurs lettres de noblesse auprès des experts comme du grand public, et leur adoption globale, déjà bien enclenchée, pourrait atteindre un point décisif dans les années à venir, dans la lignée d’applications toujours plus nombreuses et accessibles.